Je ne suis pas fou!

- Que voyez-vous?
- Je vois.... Je vois... Un couloir.... très long, très ... sombre. Il fait noir.
- Bien. Maintenant, vous allez avancer dans ce couloir et voir si il y a quelque chose....
- NON!
- Vous n'avez rien à craindre.
- Non! Je ne veux pas!
- Pourquoi?
- Je ne veux pas... Je, je... Je vous en prie, arrêtez, arrêtez...
- Calmez-vous..... Vous ne craigniez rien. Je vais compter jsqu'à 10 et vous allez vous réveiller.
1... Sortez du couloir et revenez vers la pièce lumineuse....
2...
3... Sortez de la maison... Venez vers moi...
4...
5...

Ha ha ha haha, Ha ha haha, Haha ha ha haaaaa

- Mon dieu, NON!

Jason se redressa brutalement, les yeux grand ouvert. La sueur ruisselait sur son front et lui dégoulinait dans le dos. Le rire sardonique résonnait encore dans sa tête.

- Que s'est-il passé? demanda le docteur Grim.
- Ce rire.... Encore ce rire....

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que Jason était là. A vrai dire, il n'arrivait plus à savoir depuis combien de temps exactement. Au début, il avait compté les jours, puis, peu à peu, sa vie d'avant s'était estompée.

De plus en plus, il avait l'impression d'avoir toujours vécu ici. Et surtout, dans ce bureau, celui du professeur Grim. Il en connaissait le moindre recoin par coeur: Le grand bureau en bois précieux, à droite de la porte, avec sa lampe et les multiples objets avec lesquels il prenait plaisir à s'amuser. Et puis à gauche, l'énorme plante verte qui dissimulait le canapé sur lequel il était allongé et le fauteuil du docteur. Et puis la porte-fenêtre qui ouvrait sur un parc, immense, fleuri et surtout clôturé, entouré par de hautes murailles, infranchissables. Une vraie citadelle!

Oui, tout cela était devenu son univers. Tout cela et le reste de l'hôpital (psychiatrique, ils l'avaient martelé à l'audience) dans lequel il avait échoué. Ceux qui l'avaient mis là lui avaient dit que c'était une chance, une chance que son cas soit suffisamment intéressant pour lui éviter la prison, voire même pire! Pire? Que pouvait-il y avoir de pire que sa vie complètement fichue en l'air!?

Tout avait commencé il y avait un an environ. Il le savait car les feuilles, sur les arbres, avaient la même couleur qu'aujourd'hui. Bien sûr, à l'époque, il ne s'était pas douté que sa vie avait basculé. Mais maintenant, avec le recul, il savait. Un an!

Un an plus tôt.....

Un cri résonna dans le silence de la nuit. Le souffle court, le corps baigné de sueur, Jason venait de se réveiller en sursaut, terrifié et complètement désorienté. Ses yeux grands ouverts sur le noir de la pièce cherchaient désespéremment un point ou un objet familier auquel ils pourraient se raccrocher. Son regard tomba finalement sur les chiffres lumineux de son réveil.

02:05

Les cristaux liquides rouge brillant lui offrirent le point de repère qu'il lui fallait et tout se remit en place. Il tendit la main droite et ses doigts trouvèrent sans peine l'interrupteur de sa lampe de chevet. Une douce lumière illumina sa chambre, appaisant en même temps la panique qui s'était emparée de lui.

Il se leva et se rendit à la cuisine où il se servit un grand verre d'eau fraîche. Tout en buvant, il se suprit à sourire: il était tout gosse la dernière fois qu'il s'était réveillé comme ça, au beau milieu de la nuit. Cela ne lui était plus jamais arrivé depuis. A l'époque, il avait révé qu'un dinosaure venait détruire sa maison et il s'était réveillé au moment où le monstre allait dévorer son chien.... C'était d'ailleurs étrange, comme il se rappelait parfaitement de son rêve de gamin alors que là, aujourd'hui, il ne savait absoluement pas à quoi il rêvait et ce qui l'avait réveillé.

Totalement calmé, il retourna se coucher et se rendormit aussitôt. Lorsque quelques heures plus tard le réveil sonna, l'épisode de la nuit n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir.

Cela faisait maintenant 3 semaines que Jason était réveillé toutes les nuits. C'était toujours la même chose: le coeur qui battait à toute vitesse, le souffle court, le corps baigné de sueur et une indicible terreur qui lui glaçait le sang. Parfois même, il avait l'impression d'avoir crié. Et à chaque fois il ne conservait aucun souvenir du rêve qui le mettait dans cet état. Le problème s'était qu'il avait de plus en plus de mal à se rendormir. Il restait de longues minutes allongé, les yeux grands ouverts, incapable de trouver le sommeil.

Tout sa vie commençait à ressentir les effets de ses nuits agitées. Il avait du mal à se lever le matin, il était fatigué, irritable. Un samedi soir, sous les effets conjugués de la fatigue et de l'alcool, il avait failli se battre avec son meilleur ami. De plus, il avait de plus en plus l'impression que les gens le fuyaient, mais il fallait bien avouer qu'il avait une mine à faire peur.

Sur les conseils d'un collègue de travail, il se décida à aller voir son médecin pour se faire prescrire quelque chose pour dormir. Ce médecin le soignait depuis qu'il était tout petit et la visite tourna vite à l'interrogatoire.
- Et bien Jason, tu as des soucis en ce moment?
- Non... Rien
- Ton travail, ça va?
- Oui, aucun problème.
- Et ta vie amoureuse....
- .....
- Hum... Bon, je vais te prescrire ceci. C'est un somnifère léger. Prends-en 1 en te couchant, ça devrait te permettre de mieux dormir.

Un instant, Jason avait failli lui parler de ce qui le réveillait, de ces rêves dont il ne se souvenait pas. Mais il s'était ravisé: il n'avait pas envie de passer pour un fou.

Jason testa les somnifères le soir même. Il en prit un avant de se coucher et sombra aussitôt dans un profond sommeil.

C'était la nuit. Jason était dans la rue. Il se déplaçait, très vite. Les rues, les carrefours, les feux défilaient à une vitesse folle devant ses yeux. Il avait peur, mais était incapable d'influer sur les événements. Il avançait toujours à pleine vitesse et soudain, une forme humaine se matérialisa devant ses yeux...

NON!

Jason se réveilla brutalement, dans le même état que lors des nuits précédentes. Il tourna machinalement la tête en direction de son réveil.



Bon sang! Il repoussa les draps, se leva et commença à arpenter l'appartement de long en large. Puis, il se rendit à la cuisine, saisit la boîte de somnifères et la jeta rageusement contre la fenêtre. Il se laissa alors tomber sur une chaise, la tête dans les mains, désepéré.

ça n'allait donc jamais s'arrêter? Qu'allait-il devenir si il ne pouvait plus dormir? Et puis, qu'est-ce que c'était que ces rêves? D'ailleurs, pour la première fois, son rêve ne disparaissait pas avec le réveil. Pour lapremière fois, il pouvait dire à quoi il avait rêvé.

Les nuits se succédaient, semblables les unes aux autres. A chaque fois, Jason faisait le même rêve, se réveillant immanquablement au moment où il voyait une forme humaine devant lui. Le somnifère qu'il avalait consciensieusement tous les soirs ne semblait avoir aucun effet.

Il était épuisé, incapable de travailler, accumulant les dossiers non traités et multipliant les erreurs. Tant et si bien que son patron lui "conseilla" de prendre quelques jours de vacances. Jason savait que ce n'était pas la solution à son problème, mais il les prit tout de même. Au moins, il pourrait essayer de dormir dans la journée!

Le lendemain, pour son premier jour de vacances et malgré une mauvaise nuit, il décida de bouger et de se fatiguer les muscles afin de mieux dormir. Il commença sa journée par un jogging de plusieurs kilomètres, puis se rendit dans sa salle de sport préféré. Après une sieste en début d'après-midi, il acheva de s'épuiser par une longue séance de natation.

Ce soir là, comme il l'avait espéré, il n'arrivait pas à garder les yeux ouverts. Par sécurité, il prit tout de même son somnifère avant de se coucher. Cette fois, il était certain de dormir comme un loir, toute la nuit.
Pourtant, cette nuit là, comme toutes les autres avant, les rues défilèrent à toute vitesse devant ses yeux et une forme humaine, de plus en plus réelle, le sortit du sommeil.

Pour Jason s'en était trop. Il retourna voir son médecin, bien décidé à tout lui raconter et surtout à se faire prescrire de nouveaux médicaments, plus forts. Le médecin l'écouta attentivement, mais quand Jason lui demanda des somnifères plus puissants, son visage pris une expression ennuyée.

- Hum.... Ecoute Jason, je ne suis pas certain que des somnifères soient vraiment la solution à ton problème...
- ..........
- Je pense que tu as des soucis... Peut-être des choses qui te perturbent, même inconsciemment... Et cela agit sur ton sommeil à travers ces rêves....
- ..........
- A mon avis, tu devrais en parler... Aller voir quelqu'un pour exprimer tes soucis....
- Je pourrais discuter avec vous docteur.
- Non... En fait, je pensais à.... quelqu'un de plus spécialisé que moi....
- QUOI! Vous voulez que j'aille voir un psy?! C'est ça? Un psy pour quelques malheureux troubles du sommeil?! Mais je n'ai pas besoin de psy! Je ne suis pas FOU!
- Jason! Consulter un médecin psychiatre ne signifie pas que l'on soit fou. Ces médecins sont également là pour aider les gens à surmonter des passages difficiles....
- Ecoutez docteur! Ecoutez-moi bien! Je ne suis pas fou et je n'irai pas voir votre psy. Jamais! Vous allez me donner des somnifères plus forts, je vais retrouver le sommeil et tout ira pour le mieux.
- Je regrette Jason. Je ne te donnerais rien de plus puissant.
- Mais...
- Ce n'est pas la solution.

Jason sortit furieux de chez le médecin. Un psy! Lui! De rage, il donna un grand coup de pieds dans une poubelle qui bascula et répandit son contenu sur le trottoir. Quelques passants lui jetèrent des regards effarés et passèrent au large.

Jason resta un long moment immobile, les poinst serrés, le regard perdu. Il laissa ainsi retomber sa colère. Au bout d'un moment, il aperçu son reflet dans une vitrine. Ce qu'il vit le fit sourire. C'est vrai qu'il avait de quoi faire peur avec ses cheveux sales, sa barbe de trois jours, ou peut-être plus, et les cernes violettes qui bordaient ses yeux. Ces dernières semaines avaient fait de lui un zombie. Roméro aurait pu le faire tourner dans La Nuit des Morts-vivants sans avoir besoin de maquillage.

Jason se remit lentement en marche. Il avait besoin de réfléchir et surtout de trouver une solution. Il erra plusieurs heures sans but précis, choisissant au hasard les rues ou ruelles dans lesquelles il passait. La nuit commençait à tomber quand il se résolut à reprendre le chemin de sa maison. Il avait mal aux pieds mais savait à présent ce qu'il allait faire. Il s'arrêta à la première pharmacie qu'il trouva sur son chemin et acheta deux nouvelles boîtes de somnifères. Arrivé chez lui, il dîna rapidement puis, il remplit un verre d'eau et attrapa la boîte de médicaments. Il sortit la plaquette et fit tomber un petit comprimé sur la table. Il hésita à peine un millième de seconde avant de faire tomber deux autres comprimés sur la table. Il prit les trois dans la paume de sa main et les avala.

Jason ouvrit les yeux, parfaitement réveillé. Il venait de passer de manière presque instantannée du sommeil le plus profond à un état d'éveil maximum. L'obscurité qui régnait dans la pièce lui suffit pour savoir qu'il n'était absoluement pas l'heure de se lever. Un coup d'oeil sur l'écran de son réveil le lui confirma:



Il se redressa sur son lit et alluma la lumière. Il se sentait étrangement calme et lucide. Il se souvenait de son rêve dans les moindres détails, jusqu'au son de la cloche. Il avait l'impression de l'entendre encore résonner dans son crâne. Appuyé contre le mur, il se repassait le film en boucle, inlassablement. Une inspiration subite le fit sauter hors de son lit. Et si le souvenir disparaissait? Si dans 2 jours, 3 jours ou demain même, il se retrouvait incapable de raconter ce qu'il avait vu?

Angoissé par cette idée, il se précipita vers son bureau et farfouilla dans les tiroirs. Il finit par trouver un bloc-note et un stylo et se lança dans le récit de son rêve. Une fois son texte terminé, il le lut et relut à plusieurs reprises afin d'être certain de n'avoir homis aucun détail. Satisfait, il retourna se coucher et se rendormit aussitôt.

Il se réveilla tard ce matin là, à presque 11 h. Il se sentait reposé, presque de bonne humeur. C'était comme si on lui avait enlevé un énorme poids de la poitrine. Après une douche et un solide petit déjeuner, il décida de partir à l'aventure, flâner dans les rues de la ville. Un soleil d'hiver réchauffait agréablement l'atmosphère.

Ses pas le menaient au hasard, des plus larges avenues aux plus étroites ruelles. Il resta un long moment à écouter un bonimenteur qui vantait les mérites de son cirage. Dans un square, un saxophoniste interprétait à la perfection les grands standards du jazz. Ses pérégrinations le menèrent bientôt dans un quartier qu'il ne connaissait pas, ce qui n'était pas étonnant dans une si grande ville. A cet endroit, les rues étaient moins larges, les bâtiments moins bien entretenus certains parraissant même abandonnés.

" Eh bien! Je ne suis pas dans les beaux quartiers!", pensa Jason. Il ne s'y sentait d'ailleur pas très à l'aise et il pressa le pas. Alors qu'il traversait une rue, une vision le cloua sur place. Le rez-de-chaussée de l'immeuble face à lui abritait un bar. Au-dessus de la vitrine, des lettres en néon rose proclamaient:

Tiffany's Coffee Shop

Eberlué, Jason ne parvenait pas à détacher ses yeux de l'enseigne. C'était la même, exactement la même que dans son rêve. Un coup de klaxon rageur le sortit de sa torpeur. Passant la tête par la portière, le chauffeur l'invectiva.

- Tu vas avancer oui! J'ai pas toute la journée moi!

Jason réalisa soudain qu'il était en plein milieu de la rue et rejoignit le trottoir. Il était maintenant devant le Bar. Il en distinguait vaguement l'intérieur au travers des vitres à la propreté douteuse. Il ne semblait pas y avoir beaucoup de monde, ça devait être l'heure creuse pour les bars. Après une légère hésitation, Jason se décida à pousser la porte et pénétra dans l'établissement.

Il n'y avait que deux clients et le barman. La pièce était sombre, longue et étroite. A droite, un comptoir occupait toute la longueur de la salle. Des lampes suspendues au plafond à distance les unes des autres apportaient des halos de lumière sur le comptoir. Tout le long, de hauts tabourets permettaient aux clients de s'asseoir. A gauche, des tables de quatre places se succédaient, comme dans un wagon. Il n'y avait pas de chaise, juste des banquettes.

Jason s'approcha du bar. Le barman essuyait des verres. Il leva la tête avec un sourire commercial sur les lèvres. A l'instant où il vit jason, son visage pris une expression qui mêlait la surprise et la joie.

- ça alors! Xavier! Toi ici! Quelle surprise!
- ... Il doit y avoir erreur... Je...
- Ah ça! C'est bien lui! T'as pas vieilli mon vieux! Pas un cheveu blanc! Allez, ça fait quoi? Hein? 2 ans? 3ans? Sérieux, je croyais que t'étais mort! Bon, c'est pas tout ça, une résurrection, ça se fête! Alors, je te sers comme d'habitude, ton cocktail préféré: cognac, curaçao et jus d'orange! Et puis, il faut que tu me racontes! Qu'est-ce que tu deviens? T'étais passé où ces derniers temps?

Noyé sous ce flot de paroles, Jason ne savait pas par où commencer.
- Euh... Je voudrais seulement un grand cappucino...

Le verre à cocktail à la main, le barman se retourna.
- T'es sûr?
- Oui, oui. J'ai plus envie de ça.
- Ah bon. Bon alors racontes, tu vois plus ta bande de potes?
- .... Euh non, je les ais perdu de vue.
- C'est dommage, pour mettre de l'ambiance vous étiez les rois. Et puis, tous les soirs de la semaine vous étiez là, hein? Je crois bien que vous n'en avez raté aucun.

Le barman posa la tasse de café devant Jason. Celui-ci était un peu perdu et en même temps curieux d'en savoir plus. Il regarda l'homme.
- Est-ce que mes... potes viennent encore?
- Non, vous avez arrêté de venir d'un coup.
- .....
- Remarques, à bien y réfléchir, vous n'êtes pas venu longtemps... 3 ou 4 mois peut-être. Mais pas plus.

Jason finit son café et posa de la monnaie sur le comptoir.
- Il faut que j'y aille...
- Déjà?! Mais tu ne m'as pas parlé de toi!
- Une prochaine fois peut-être... Au revoir.

Jason franchit la porte sans attendre la réponse du barman.


[hrp] désolée pour le retard, j'ai eu un petit ennui technique. [/hrp]

Des dizaines de questions se bousculaient dans la tête de Jason. Il était certain de n'être jamais venu dans ce bar, et pourtant, ce barman semblait le connaître. Pourquoi? Comment était-ce possible? Ce type l'avait appelé "Xavier", ce pouvait-il qu'il se soit trompé de personne? Il y avait sûrement quelque part un Xavier qui devait lui ressembler....

Oui! Mais... Toutes ces conïncidences, c'était si étrange. Plus il essayait de se convaincre que tout ceci n'était que pur hasard, moins cette explication lui paraissait plausible. Au désespoir, il remonta dans sa mémoire. Le barman avait dit 2 ou 3 ans. 3 ans auparavant, Jason travaillait déjà, mais pas dans l'entreprise où il était maintenant. En fait, celà faisait environ 2 ans qu'il y était. Il y avait 3 ans, il menait déjà une petite vie bien tranquille du genre métro-boulot-dodo. Il ne sortait que très peu, parfois le samedi soir, mais jamais la semaine. Consciencieux, il faisait son travail à la perfection, employé modèle, jamais en retard, toujours agréable et souriant. Ca lui avait d'ailleurs fait un drôle de choc quand on lui aviat annoncé qu'il était licencié. Ce n'était pas à cause de son travail, non, il donnait entière satisfaction! Mais les affaires marchaient mal et comme il était l'un des derniers arrivés, il en faisait les frais. Et un soir, il avait fermé définitivement la porte de son bureau et était parti avec ses quelques affaires, son dernier chèque et des lettres de recommandation. Celles-ci s'étaient d'ailleurs révélées efficaces puisqu'il avait retrouvé du travail quelques semaines plus tard avec en prime un logement de fonction.

Perdu dans ses réflexions, Jason ne s'était pas rendu compte du chemin parcouru. Il réalisa soudain qu'il n'était qu'à quelques centaines de mètres de chez lui. La nuit commençait à tomber et Jason pressa le pas. De retour chez lui, il dîna rapidement. Son attention fut attirée par le bloc-note sur lequel il avait transcrit son rêve. Il s'en saisit et jeta quelques mots sur une nouvelle feuille:
Xavier
Tiffany's
bande de potes tous les soirs de la semaine
2-3 ans.

[hrp] Après ce long silence, je reprend le cours de mon histoire (vous voulez toujours savoir ce qu'il va se passer?!)
Pour ceux qui auraient perdu le fil et qui ne veulent pas tout relire (mais on peut quand même), voilà un bref résumé:
Jason est interné dans un hôpital psychiatrique où, sous hypnose, il tente de pénétrer dans un couloir de sa mémoire. La séance s'étant encore mal terminée, il se plonge dans ses souvenirs. Nous repartons quelques mois en arrière. Jason est réveillé toute les nuits par un rêve effrayant dans lequel il se voit tuer un homme. Un jour, il découvre que le bar qu'il voit dans son rêve existe réellement. Dans le dernier épisode, Jason est entré dans ce bar et le barman l'a reconnu sous le nom de Xavier.

Voilà, retour à l'histoire.... [hrp]

Installé sur son canapé, Jason lisait et relisait ses notes. Il soupira. Tout ceci n'avait pas de sens. De plus, il se montait peut-être la tête pour rien. Il laissa tomber le bloc-note et alluma la télévision. Pendant près d'un quart d'heure, il zappa entre les multiples chaînes qu'il pouvait regarder. Il finit par trouver un film qui lui sembla intéressant et commença à le regarder. Mais très vite, son esprit recommença à vagabonder. Il coupa la télé et pris un livre, sans plus de succès. Il regarda sa montre, il était 21 h. Jason prit brutalement une décision. Coïncidence ou réalité, cette histoire l'intriguait. Il allait retourner au Tiffany's, peut-être y trouverait-il des clients qui connaissaient "Xavier". Et puis, quitte à passer pour un illuminé, il allait interroger le barman afin d'en apprendre le maximum.

Il lui fallut à peine une demi-heure pour arriver à destination. Comme il l'avait espéré, le bar était bien plus fréquenté que dans l'après-midi. Jason pousa la porte et se dirigea directement vers un tabouret vide devant le comptoir. Affairé, le barman ne le remarqua pas tout de suite. Jason mit ce temps à profit pour observer un peu les clients. Il n'y avait que des hommes, visiblement de tous les horizons: les costumes-cravates cotoyaient les bleus de travail, des jeunes à peine sortis de l'adolescence trinquaient avec des hommes de 30 ans leurs aînés. Les conversations, pour ce qu'il put en saisir, tournaient autour du sport, de la politique ou encore du temps qu'il faisait.

un temps indéfinissable s'était écoulé quand le barman s'approcha enfin de Jason:
- Et pour ce monsieur, que'est-ce que... ça alors! Xavier! Et bien, tout ce temps sans mettre les pieds ici et d'un coup tu viens deux fois dans la même journée! L'ambiance de mon modeste établissement t'aurait-elle manquée?
Les exclamations du barman avaient fait tourner la tête à quelques-uns des clients. Les ignorant, Jason regarda l'homme et répondit:
- Je suis venu à la pèche aux informations.

Devant l'expression mi-interloquée / mi-méfiante du barman, Jason se dit qu'il devait rapidement trouver une explication plausible à ses paroles. Celle-ci lui vint presque naturellement.

- En fait.... Il y a quelques mois, j'ai eu un accident... Rien de bien grave, mais j'ai pris un coup sur la tête et j'ai... "oublié" certains passages de ma vie.
- Alors, t'es amnésique?
- Partiellement... Oui.
- Et tu ne te souviens plus du Tiffany's?
- Non... Cet après-midi, c'est totalement par hasard que je suis entré là. Puis, comme tu semblais me connaître, j'ai décidé de revenir ce soir dans l'espoir de voir des clients qui me connaissaient.
- Ben dis-dons, quelle histoire! Et t'as pas d'espoir que ça revienne?
- Bof. Quand c'est le cerveau qui est touché... Les médecins disent qu'il faut le stimuler. Il paraît qu'il n'y a que comme ça qu'il y a une chance.
- Bon, écoute. Je vais d'abord te servir le cocktail que tu avais l'habitude de boire. Ensuite, tu vas aller t'asseoir à la table vide là-bas et moi, je vais voir si il y a ce soir des clients de l'époque. Et après, on te racontera tout ce qu'on se rappelle. OK?

Jason acquiesca d'un sourire. Il regarda le barman lui préparer sa boisson: la glace pilée, le cognac, le curaçao et le jus d'un orange se retrouvèrent dans un shaker. Après avoir agité énergiquement, le barman versa dans un verre au bord sucré le liquide d'une belle couleur bleu turquoise. Il mit enfin une tranche d'orange sur le bord du verre et le donna à Jason. Celui-ci le prit et, quittant le tabouret, se dirigea vers la table.
Il resta un long moment assis, dos à la salle, à contempler son verre, avant de se décider à tremper les lèvres dans le breuvage. Il avalait sa première gorgée quand la voix du barman le fit sursauter.

- Alors? qu'en penses-tu? ça te rappelle quelque chose?

Jason se retourna. Le barman était accompagné de deux autres hommes. Tous trois s'assirent à la table.

- Voilà, Xavier. Eux, ce sont Matthieu et Francis. Ils te connaissent. Et moi, c'est Paul. Tu m'as toujours appelé par mon prénom. Allez, vas-y. Qu'est-ce que tu veux savoir?

Jason réfléchit quelques secondes:

- Je veux tout savoir. Tout ce dont vous vous souvenez....

Les trois hommes se regardèrent en silence, puis, Paul repris la parole.

- Toi et tes potes, vous arriviez toujours ensembles vers 22 h. Quand vous rentriez, c'était toujours le même rituel: tu poussais la porte et tu criais: "Salut Paul, tu me fais ton mélange maison!". C'est ce que je t'ai servi ce soir. Puis vous vous installiez à une table. Vous preniez un tabouret du bar car vous étiez cinq. Après, c'était blagues et rires en continu. Vous ne partiez qu'à la fermeture à 1h du matin.
- De quoi parlions nous?
- Tu sais... je n'ai pas pour habitude d'écouter les conversations des clients... Mais... Bon, c'était assez classique: foot, boisson, filles...
- Du boulot?
- Jamais! Enfin.. Pas à ma connaissance...
- Qui étaient les 4 autres?
- Tu ne t'en souviens pas?!
- ....
- Oui! Pardon! Bon alors.... C'est loins quand même... Attends que je me rappelle.... Il me semble qu'il y avait un Albert...

Matthieu, qui n'avait encore rien dit, prit alors la parole.

- Oui! Albert! C'était un petit gros.Blond, je crois... Et une moustache. Il ne parlait pas beaucoup....
- C'est vrai. Mais il buvait! Je crois que c'était mon meilleur client!s'exclama Paul en riant.
- Il y avait aussi un grand, mince, très classe.Dit Francis. Toujours en costume-cravatte. Il avait un chapeau et il fumait des cigarettes très fines. Il ressemblait à ... un dandy.
- Oui, je me rappelle. Il ne buvait que du martini blanc. Il faisait un peu "précieux". Comment il s'appelait déjà.... ça commençait par un R il me semble... Raoul? Renaud?... Non...
- Ronan! C'était Ronan!
- Et ensuite?
- Ensuite, ensuite.... Laurent, je crois. Un vrai blagueur, bruyant mes drôle. Il jonglait avec les verres.
- Et le 4ème, je ne sais plus son nom. Je ne suis même pas certain que vous l'ayiez dit. Vous l'appeliez toujours "le balafré". Faut dire qu'il avait une énorme cicatrice qui lui barrait le visage. C'était impressionnant!!
- Une cicatrice?!
- Ouais. Une vrai tête de truand.
- Il y a une chose que j'aimerais savoir. Est-ce que vous pouvez me dire exactement quand c'était et combien de temps nous sommes venus?
- Ouf! C'est difficile ce que tu nous demandes là... Hum... Voyons... C'était en hiver, ça j'en suis sûr... C'était pas l'hiver dernier, ni celui d'avant....Alors... C'était il y a 3 ans. Oui! C'est ça, il me semble....