Une journée d'été

La journée commençait plutôt bien pour Lursten. Le soleil approchait seulement de son zénith, et ses filets étaient déjà pleins. Ayant presque rempli son quota pour la journée, il venait de s’autoriser une petite pause. Le bateau remuait lentement au gré des quelques vagues qui venaient troubler cette mer d’huile. L’odeur pénétrante de l’iode flottait partout dans l’air. Il s’agissait vraiment d’une magnifique journée. Le doux clapotis des vagues sur la coque chantait comme une berceuse aux oreilles de Lursten, et la tête posée sur un tas de cordages, il finit rapidement par s’assoupir. Il fut réveiller par le cri d’une mouette qui rentrait à son nid. Le soleil décroissait à l’horizon, laissant de longues traînées carmin sur la mer qui s’endormait peu à peu.
Lursten avait trop dormi, et ce soir il rentrerait plus tard que prévu, et de nuit. Manœuvrant le bateau d’une main experte forgée par dix années de navigation, il le ramena rapidement sur la berge. Quand il arriva à la lisière de la forêt qui bordait la côte, il faisait déjà nuit noire. Sifflotant pour se donner du courage, il pénétra dans les frondaisons. A peine avait-il fait un pas entre les arbres qu’un hurlement déchira le calme de la nuit.

Lursten stoppa net sa progression, les muscles tétanisés, les narines dilatées à l’extrême par la peur, et les oreilles aux aguets. Lorsque le second cri retentit, il prit son courage à deux mains et, bravant sa peur du noir, quitta le sentier pour foncer dans les bois touffus qui s’ouvraient devant lui tels des gueules géantes prêtent à le dévorer.
Galvanisé par sa première victoire sur lui-même, il ne faisait aucunement attention aux branches qui lui fouettaient le visage et lui déchiraient les vêtements, y laissant des striures sanglantes. Soudain, au détour d’un arbre, la forêt recula et il entra en trombe dans une clairière.

Là, un jeune garçon d’une quinzaine d’années, tout comme lui, faisait face à l’ours le plus monstrueux qu’il ait jamais vu. La bête mesurait au moins trois mètres de haut une fois dressée sur ses pattes arrières, sa gueule aurait pu sans problèmes broyer Lursten d’un coup de dents. D’un brun sombre, sa fourrure luisait sous la lumière de la lune, et une lueur de folie brillait dans ses yeux rouges sang. Face à ce monstre, le jeune garçon dépenaillé paraissait bien chétif et ridiculement petit. Il ne cessait de reculer, brandissant une dague d’une main tremblante. Lursten assistait à la scène, totalement impuissant, sa peur formant une muraille infranchissable. L’ours fonça sur le jeune homme à la dague à une vitesse ahurissante pour sa corpulence, et d’un revers de patte presque négligeant, le propulsa contre un arbre voisin. Au prix d’un effort presque surhumain, ce dernier réussit à se redresser, sa dague formant un bouclier bien mince, mais seul gardien de sa survie. Alors que l’ours se tournait pour attaquer à nouveau, Lursten remarqua la lance plantée dans le dos de l’animal. Cette petite lueur d’espoir lui permit de rassembler le peu de courage qu’il lui restait. Courant aussi vite que ses jambes le pouvaient, il se précipita dans le dos de l’animal et, saisissant la hampe de la lance à deux mains, il l’enfonça de tout son poids dans le corps du monstre. Par pur réflexe, l’ours se retourna, et d’un coup de griffe, laboura la poitrine de Lursten.
Faisant quelques pas en arrière, le jeune homme regarda, hébété, son sang s’écouler sur le sol. Le monde se mit à tourner autour de lui, et il s’écroula sur le cadavre de la bête qu’il venait de terrasser.


(hrp : je ne posterais pas souvent, mais je pense que cela ne dérangera presonne)

hrp: faudrait pas trop nous faire languir....

Lursten se réveilla en sursaut, le corps trempé de sueur. Il crut tout d’abord avoir rêver ce qui lui était arrivé, mais la douleur fulgurante lui traversant la poitrine telle une aiguille chauffée à blanc, lui rappela rapidement les blessures qu’il portait sur le torse. Il jeta un regard perdu autour de lui, et remarqua bien vite qu’il ne connaissait pas cet endroit.
Le soleil du matin perçant à travers les carreaux adoucirent légèrement son humeur en lui révélant de riches tapisseries accrochées aux murs. Les restes d’un feu rougeoyait encore dans la cheminée, dissipant la fraîcheur de la matinée.
Alors qu’il se perdait dans la contemplation des batailles mythiques représentées sur les tapisseries, la porte s’ouvrit sans bruits, libérant le passage à une jeune fille transportant un plateau de victuailles. Lorsqu’elle vit Lursten, un grand sourire illumina son superbe visage encadré de boucles brunes qui lui cascadaient librement sur les épaules. Elle portait une ample robe bleue, plutôt simple mais de bonne qualité qui faisait ressortir ses grands yeux turquoise.
Remarquant l’intensité avec laquelle Lursten la regardait, elle cacha un petit rire cristallin derrière sa main. Soudain ramené à la réalité, le jeune garçon rougit violemment et tenta de se cacher sous ses couvertures. Ce qui eu pour effet de la faire rire de plus belle, mais après avoir pris quelques secondes pour respirer, elle commença d’une voix où perçait encore l’amusement :

<< Je vois que vous allez mieux. Je vais immédiatement prévenir le prince de votre réveil. Si vous souhaitez manger avant son arrivée, je vous laisse le plateau ici.>>

Joignant le geste à la parole, elle posa son fardeau sur une petite table de chevet entièrement recouverte d’exquises gravures. Elle fit ensuite demi-tour, et après une légère révérence, sortit d’un pas léger, ne laissant à Lursten aucune chance de réponse.
Une fois la porte refermée, une idée autre que celle de manger apparut aux limites de son esprit embrumé de sommeil. Il réalisa alors que cette fille venait de parler d’un « prince » ! Ne sachant trop quoi penser, il décida d’attendre la venue de cette personne, mais la peur lui nouait l’estomac, et il ne réussit pas à avaler une seule miette.

L’heure tournait, et Lursten était comme figé, assis dans son lit. Il s’autorisa un moment de détente, pensant que le « prince » ne viendrait plus. Enfonçant sa tête profondément dans l’oreiller de plumes, il ne tarda pas à s’endormir.
Un choc sourd à la porte le réveilla en sursaut, et un rapide coup d’œil par la fenêtre lui révéla qu’il avait dormi une bonne partie de la journée, car déjà le soleil disparaissait à l’horizon. Il se passa machinalement les doigts dans les cheveux et lissa ses vêtements d’un revers de main. Ses préparatifs terminés, il se racla la gorge avant de s’exclamer d’une voix encore empâtée de sommeil.

- Entrez !

La porte coulissa alors lentement, et un jeune homme de belle allure entra dans le pièce. Il portait une chemise verte à liserés dorés et de hautes chausses de cuir noir lui remontaient jusqu’aux genoux. Ses cheveux blonds tirés en arrière formaient une queue de cheval qui lui descendait jusqu’au niveau des épaules. Il se dirigea d’un pas rapide vers le lit de Lursten et avec un grand sourire lui présenta sa main. Celui-ci attrapa le poignet du nouveau venu qui lui secoua le bras avec une force inattendue, vu sa faible carrure. Mais ce qui stupéfait le plus Lursten était l’honneur qu’il lui accordait, en le traitant tel un guerrier. Et alors qu’il s’apprêtait déjà à protester, l’autre le devança.

- Je me présente, Prince Rasgal Silverdrake. Je suis heureux de pouvoir enfin rencontrer mon sauver. Comment vous prénommez-vous ?

Lursten resta un long moment ébahi, la bouche pendant mollement. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre. Mais soudain, les événements de la forêt lui revinrent en mémoire, réveillant une terrible douleur dans sa poitrine.
Comme il ne répondait pas, le jeune homme en face de lui repose sa question d’un ton empreint de douceur. Revenant au moment présent, Lursten retira sa main et annonça en baissant la tête.

- Je m’appelle Lursten.
- Relève les yeux mon ami. Je n’accepte pas que le jeune homme qui m’a sauvé la vie me traite ainsi, dit-il un large sourire aux lèvres.
- Mais ….mais vous êtes mon prince …..je ne peux …., bafouilla Lursten.
- Fais le, c’est tout. Ou dois-je t’en donner l’ordre ?
- Bi … bien mon seigneur.
- Serais-tu lent d’esprit ? Je ne peux le croire. Appelle moi Rasgal !

Relevant timidement la tête, Lursten sourit à son tour devant le visage jovial de son compagnon. Ce dernier jeta un coup d’œil par la fenêtre et fit une légère moue.

- Le soleil se couche déjà. J’ai à faire, soupira-t-il. Nous ferons plus ample connaissances plus tard. Au fait, ton repas te sera bientôt servi.

A l’idée de voir à nouveau la jeune fille, Lursten sentit le rouge lui monter aux joues. Rasgal le dévisagea, d’abord d’un œil inquiet, puis s’esclaffa.

- Ah, mais je comprends. E bien tu ne perds pas de temps mon ami. Mais tu dois être fatigué de m’entendre parler. A demain sûrement, rétablis toi vite !

Avant que Lursten ait pu proférer le moindre mot, la porte se refermait déjà derrière Rasgal.